Italie, France, Irlande : trois approches pour réguler l’intelligence artificielle en Europe
- 25 sept.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 oct.

En septembre 2025, l’Italie a pris une longueur d’avance en devenant le premier pays de l’Union européenne à adopter une loi nationale complète sur l’intelligence artificielle. Ce texte, qui entrera en vigueur dès janvier 2026, constitue une déclinaison concrète de l’IA Act européen, tout en intégrant des spécificités propres au contexte italien. Une initiative intéressante pour sa clarté et son volontarisme, alors que d'autres États membres, dont la France, peinent encore à structurer un cadre national unifié. Revue de détails ….
La loi italienne sur l’IA couvre un large éventail de domaines : santé, justice, éducation, administration, travail, sport. Dans chacun de ces secteurs, elle impose que les systèmes d’IA soient traçables et soumis à une supervision humaine, afin de garantir la transparence et la responsabilité des décisions automatisées. L’une des innovations les plus marquantes est l’introduction de dispositions spécifiques pour la protection des mineurs : les enfants de moins de 14 ans ne pourront pas interagir avec des systèmes d’IA sans le consentement explicite de leurs parents. Cette mesure vise à limiter l’exposition précoce à des contenus manipulables ou à des modèles génératifs mal encadrés.
La loi introduit également un volet pénal : la diffusion de deepfakes entraînant un préjudice peut désormais être punie d’un à cinq ans d’emprisonnement. Sur le plan économique, un fonds public d’un milliard d’euros est créé pour soutenir les entreprises développant des solutions dans l’IA, la cybersécurité, les télécoms et les technologies quantiques. L'encadrement institutionnel est également renforcé, avec la désignation de deux entités nationales, l’Agence pour l’Italie numérique (AgID) et l’Agence nationale de cybersécurité, chargées de superviser l’application de la loi, en coordination avec les autorités sectorielles existantes.
Face à cette avancée italienne, la France prend son temps. À ce jour, aucun texte national spécifique n’a été voté pour encadrer l’intelligence artificielle de manière globale. Le droit français repose principalement sur des lois sectorielles déjà en place — en matière de protection des données, de santé, de propriété intellectuelle — ainsi que sur le cadre fourni par l’IA Act européen. Néanmoins, la structuration de la gouvernance commence à s’opérer. Le 9 septembre 2025, le ministère de l’Économie et des Finances a publié une première liste des autorités françaises compétentes pour appliquer les différentes parties de l’IA Act.
Le choix a été fait d’une approche sectorielle : les organismes spécialisés (comme la CNIL pour les données, la DGCCRF pour la surveillance du marché, ou encore l’ANSSI pour la cybersécurité) seront chargés de faire respecter les dispositions selon leur domaine de compétence.
Ce modèle distribué reste encore embryonnaire. L’absence de loi-cadre rend la lisibilité de la régulation difficile pour les entreprises et les citoyens. Le Centre d’expertise PEReN est mobilisé pour aider à l’implémentation technique, mais les responsabilités restent dispersées. La désignation d’un point de contact unique, confié à la DGCCRF, vise à coordonner les actions, sans pour autant constituer une autorité centrale dédiée à l’IA.
En comparaison, l’Irlande adopte une stratégie à la fois rapide et coordonnée. Le pays a désigné dès septembre quinze autorités nationales chargées de la mise en œuvre de l’IA Act, couvrant des secteurs comme la finance, la santé, les communications ou encore la consommation. Chaque organisme reste compétent dans son domaine, mais un point de contact national a été mis en place pour assurer la liaison avec la Commission européenne et les autres États membres. Mieux encore, un "National AI Office" (NAIO) sera officiellement lancé en 2026 pour superviser l’ensemble du dispositif et promouvoir un usage responsable de l’IA, avec la possibilité d’installer un bac à sable réglementaire destiné à expérimenter des solutions en conditions réelles.
L’initiative italienne, par sa clarté et sa portée, pourrait accélérer la dynamique réglementaire au sein de l’Union. Elle démontre qu’il est possible d’anticiper l’entrée en vigueur de l’IA Act en adaptant ses principes aux réalités nationales. En France, les acteurs économiques et institutionnels devront faire preuve de réactivité pour ne pas se retrouver en décalage avec les autres pays européens. Le cas irlandais offre également un modèle de coordination pragmatique et distribué, basé sur les compétences existantes des régulateurs sectoriels.
À mesure que l’IA Act entre dans sa phase opérationnelle, les disparités nationales en matière de régulation risquent de créer des écarts de compétitivité, mais aussi de protection des citoyens. Le défi pour les États membres est désormais de transformer les principes européens en mécanismes concrets, efficaces et lisibles. L’Italie, en prenant les devants, propose un nouveau standard.


