Intelligence artificielle et ressources humaines : à la recherche de l’équilibre
- 10 sept.
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Dernière mise à jour : 19 sept.

Depuis plusieurs années déjà, l’intelligence artificielle fait une entrée remarquée dans le quotidien des Ressources Humaines. Des outils génératifs aux assistants virtuels, la promesse est séduisante : alléger les tâches répétitives, fluidifier les processus, renforcer l’expérience collaborateur… Mais face à cette vague technologique, une question s’impose : comment exploiter le potentiel de l’IA tout en évitant les dérives ? Entre enthousiasme et prudence, les RH doivent aujourd’hui trouver un équilibre entre promotion et encadrement des usages.
Dans les faits, l’IA générative transforme déjà la fonction RH de manière spectaculaire. Selon Emerton Data, l’adoption de ces technologies permettrait d’augmenter la productivité des RH de 30 à 40 %. D’après une étude menée par Bizneo, 58 % des professionnels RH français utilisent déjà l’IA générative, et 71 % affirment qu’elle réduit significativement leur charge de travail.
Les cas d’usage les plus répandus vont du tri automatisé des CV, à la rédaction assistée de fiches de poste ou d’annonces d’emploi, en passant par la création de chatbot RH interne ou la génération de parcours de formation personnalisés. Les cas d’usage sont extrêmement nombreux et diversifiés à présent.
Au-delà des gains de productivité, les outils IA permettent également d’améliorer la qualité et la réactivité des services des ressources humaines.
De nombreuses entreprises ont d’ores et déjà mis en place des solutions d’IA et sont en mesure de partager le retour d’expérience sur ces outils. Chez Klarna, par exemple, une IA générative traite désormais deux tiers des demandes du service client, avec un temps de réponse moyen réduit de 11 minutes à 2 minutes 40. Résultat : des clients plus satisfaits et aucune suppression de postes humains. Du côté de ManpowerGroup Talent Solutions, l’IA est utilisée pour analyser les trajectoires professionnelles et proposer des recommandations d’évolution personnalisées. Cette innovation rend le conseil RH plus stratégique et centré sur la personne.
Toutefois, cette efficacité peut avoir un revers. Utilisée sans garde-fous, l’intelligence artificielle connait aussi de nombreuses limites et les algorithmes pourraient créer des situations problématiques, de type :
reproduire ou amplifier des biais discriminants (sexe, âge, origine, etc.) ;
analyser des données sensibles sans transparence ;
porter atteinte à la vie privée des salariés ;
créer un climat de surveillance automatisée, mal vécu par les équipes.
Parallèlement, un autre constat est préoccupant : selon Le Monde, une majorité de DRH en France n’a pas encore formalisé de politique claire d’usage de l’IA. L’expérimentation est encore majoritairement intuitive, voire improvisée.
Face à ces enjeux, certains acteurs publics tentent de montrer l’exemple.
En juin 2024, la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) a publié un guide d’usage de l’IA dans les RH de l’État. L’objectif étant de clarifier les bonnes pratiques. Ce guide distingue ce qui doit être encouragé et ce qui ne devrait pas l’être. Voici une synthèse des principales recommandations : 5 usages sont encouragés. Il s’agit notamment des recommandations de formation, fiches de poste, analyse de questionnaires, etc. A l’inverse, 4 usages sont totalement interdits. On parle, dans ce cas, de la détection de problèmes psychologiques, de l’analyse des relations interpersonnelles, d’entretiens vidéo automatisés ou de reconnaissance de performance basée sur des indicateurs IA. La grande majorité des usages (17) peut être autorisée sous conditions : onboarding personnalisé, évaluation de compétences, feedback automatisé…
Ce type de cadre incite les autres secteurs à bâtir leur propre gouvernance interne, adaptée à leur culture et à leurs enjeux.
Sur le plan réglementaire, l’Europe a pris les devants avec le Règlement sur l’IA (UE 2024/1689), entré en vigueur en août 2024. Il repose sur une logique de gestion des risques, comme le RGPD. Les systèmes d’IA utilisés en RH (notamment pour le recrutement ou l’évaluation des salariés) sont classés à haut risque. Ils doivent (depuis le mois d’août 2025) respecter des exigences strictes en matière de transparence, d’explicabilité, de documentation, et de contrôle humain.
Comment les RH peuvent s’approprier l’IA… intelligemment ?
Pour réussir l’intégration de l’intelligence artificielle dans les ressources humaines, plusieurs étapes sont indispensables. Il convient d’abord de former les équipes RH afin qu’elles comprennent le fonctionnement, les limites et les risques de ces outils, condition essentielle à un usage éclairé.
Une gouvernance spécifique doit ensuite être définie, à travers des chartes d’usage, des comités de validation et un suivi régulier des impacts sur les collaborateurs. La transparence joue également un rôle central : chacun doit savoir quand et pourquoi l’IA est utilisée. Enfin, impliquer les collaborateurs en expliquant les outils et en recueillant leurs retours permet de favoriser l’adhésion et de réduire les inquiétudes.
Si l’intelligence artificielle peut être une alliée précieuse pour les Ressources Humaines : plus de temps pour l’humain, moins de lourdeurs administratives, des services mieux adaptés, cette technologie exige un cadre clair, une vigilance éthique, et un pilotage humain. La clé réside dans l’équilibre entre enthousiasme et lucidité, innovation et régulation.


