La mise en ligne de la version 3.5 de ChatGPT, le 30 novembre dernier, n’en finit pas d’agiter l’écosystème business de la planète.
En dehors de ceux qui n’ont vu dans ChatGPT qu’un perroquet stochastique, tout le monde a compris qu’il s’est passé un événement majeur. Il a suffi d'utiliser une fois cette IA pour se rendre compte de l’importance du phénomène. Un peu partout sur la planète nous avons commencé à en tester les capacités.
Les IA génératives comme ChatGPT, MidJourney, Dall-e, BeautifulAI ou Bloom rebattent les cartes dans de nombreux domaines et leur succès est fulgurant. A titre d’illustration, ChatGPT a reçu 1,8 milliards visites en avril 2023 (5è mois d’existence).
L’outil se répand à la vitesse de l’éclair.
Lors de mes conférences sur le sujet, je demande souvent à la salle qui a déjà utilisé ChatGPT. En général, la moitié des spectateurs lève la main…. Je crois qu'une partie des autres n’ose pas l’avouer….
Une impression de déjà-vu qui me rappelle l’arrivée de Facebook dans l’entreprise lorsque j’étais le directeur général de l’agence de photo-journalisme Sipa Press. Ma première tentation avait été d’en interdire l’usage avant de considérer qu’il pouvait être utile pour effectuer la promotion de l’agence.
Au départ, les entreprises tardent à prendre position. Certaines commencent à rédiger des « chartes internes d’utilisation des IA génératives ». Il est tout à fait fascinant de voir à quel point les analyses et les conclusions divergent d’une entreprise à une autre. Certaines l'interdisent. D'autres l'intègrent à leurs processus.
Si on s’intéresse au domaine de l’information en général et au secteur de la presse écrite en particulier, on voit des approches différentes même si, à ma connaissance, aucun journal n’a, à ce jour, interdit l’usage de ChatGPT de manière explicite !
En France, il y a le magazine So Foot qui assume utiliser très occasionnellement Midjourney pour illustrer ses articles ou le groupe Les Echos-Le Parisien qui peut utiliser les IA génératives mais obligatoirement avec une supervision humaine. En Suisse, RTS Group et sa station radio « Couleur 3 » ont organisé le jeudi 27 avril dernier une journée spéciale au cours de laquelle tout son contenu - voix, texte et musique - a été produit par l'intelligence artificielle. Au cours de cette expérience, seul le contenu des bulletins d'information a été créé par des humains.
Parallèlement, on assiste à la montée des newsbots, ces sites web d'actualités générés par l'IA. En avril 2023, NewsGuard en a identifié 49 qui semblaient être entièrement ou principalement générés par des modèles de langage d'intelligence artificielle conçus pour imiter la communication humaine et générer des clics.
De son côté, le New York Times écrivait le 5 décembre 2022 : « ChatGPT est, tout simplement, le meilleur chatbot d'intelligence artificielle jamais publié au grand public. »
C’est donc les yeux grands ouverts que les journalistes regardent ChatGPT et MidJourney ou Dall-e !
Dans ce contexte, il est assez probable que l’avenir des journalistes de presse écrite devienne de plus en plus incertain et que le nombre de cartes de presse en France continue à diminuer (33 600 en 2022 contre 34 000 l’année précédente). Plus largement, il est probable qu’il devienne de plus en plus difficile de distinguer ce qui est écrit par la machine de ce qui est écrit par l’humain, ce qui est vrai de ce qui est faux, ce qui est vérifié de ce qui ne l’est pas….
Comme l’indiquait le photo-journaliste suisse Niels Ackermann le 4 avril dernier dans les colonnes de Heidi.news : «Face à l'essor des IA, les médias doivent devenir des marchands de vrai». En effet, avec de telles IA, il va devenir de plus en plus difficile de faire le tri entre vrai et faux. Les journalistes sont face à un défi majeur, celui de faire émerger le vrai.
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