Sauve qui peut ! Vision ultra court-termiste ! …. Quand il est préférable, pour certains groupes de presse, de prendre le cash d’openAI tout de suite, quitte à condamner l’avenir du journalisme… The winner takes all !
Les industries culturelles ont l’habitude trompeuse de se présenter comme de grandes « familles » : famille du cinéma, de la presse, du théâtre, …. Laissant croire à une forme de « solidarité », alors qu’évidemment, il n’en est rien. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces secteurs sont ultra-compétitifs et tous les coups (bas) sont permis.
Nous assistons actuellement à une illustration planétaire et caricaturale de ce syndrôme du « faux frère ». Pour comprendre ces réactions, il faut revenir sur les événements qui se sont déroulés depuis le lancement de ChatGPT 3.5 le 30 novembre 2022.
Un fois la surprise passée (effet Wahou mondial !), nous avons cherché à comprendre comment les équipes d’OpenAI avait pu parvenir à une telle performance. En effet, quid des données d’entraînement du modèle ChatGPT ? C’est le Washington Post qui a le premier classé en 11 catégories, avec l’aide de Similarweb, les 15 millions de sites « utilisés pour l’entraînement de ChatGPT. Et là, oh surprise, on a constaté que le LLM (Large Language Model) avait été entraîné sur les articles de presse disponibles en ligne. On comprend aisément l’importance des sources fiables que constituent les articles de presse écrite pour pouvoir produire des réponses « pertinentes » avec ChatGPT. Du point de vue d’OpenAI, Il n’y a pas de problème de copyright car les articles de presse ont simplement été parcourus par la machine. Or, aux USA, le Fair Use est autorisé.
Seulement, certains médias se sont rebellés et on a vu apparaître les premières attaques en justice des médias contre OpenAI. Ce fut le cas du New York Times dès le mois de décembre 2023. Le porte parole du groupe indiquait à l’époque : « Si Microsoft et OpenAI veulent utiliser notre travail pour un usage commercial, la loi les oblige à demander d’abord la permission ». Effectivement, ils n’ont pas demandé la permission… En Europe, c’est la panique … après internet, les smartphones, les plateformes, voici l’intelligence artificielle qui rebat encore une fois les cartes du modèle économique de la presse.
Il est assez extraordinaire de constater que, sans surprise et de manière totalement prévisible, l’unité de façade des organes de presse s’est lézardée au profit des intérêts de certains. Les stratèges d’OpenAI l’on parfaitement compris et ils ont utilisé la même stratégie que les grandes plateformes avant eux (Facebook, Google) pour anesthésier la presse en distribuant un peu d’argent à quelques médias qu’ils ont eux-même choisi. Dans le cas de ChatGPT, qui cherche à disposer d’informations fiables pour répondre aux questions des utilisateurs, il n’est pas nécessaire d’avoir plus d’un accord média par pays. Ainsi, dans de nombreux pays occidentaux, OpenAI a commencé à passer des « deals » avec des médias. On peut en citer quelques-uns : tout d’abord, le dernier en date (22 mai 2024), signé avec News Corp (groupe de presse des Murdoch) qui autorise l’utilisation des articles du Wall Street Journal, du Times, du Sun ou du Sunday Times par exemple. En France, c’est le groupe Le Monde qui a raflé la mise en signant un accord similaire. En Allemagne, c’est le groupe Axel Springer (Bild Zeitung, Die West, Politico…) et en Espagne, c’est le groupe Prisa Media qui furent choisi. Du côté des agences de presse, c’est Associated Press, souvent considérée comme la première agence de presse au monde, qui a signé un deal mi-juillet 2023. La même semaine, c’est l’agence photos Shutterstock qui signe également… Même Reddit vient de signer un accord avec OpenAI.
Quels enseignements faut-il tirer de ces mouvements stratégiques ?
1er enseignement : au delà des discours d’unité de la presse, c’est bien le « chacun pour soi » qui prime. En France, même le groupe Le Figaro semblerait pour l’instant avoir été écarté par OpenAI.
2ème enseignement : avec quelques millions de dollars et quelques accords (5 millions environ par accord, semble-t-il) OpenAI tue le match et s’offre la presse écrite mondiale.
3ème enseignement : les autres groupes ou titres de presse occidentaux n’obtiendront rien (ou si peu) et uniquement après des conflits juridiques qui vont durer des années.
4ème enseignement : les groupes de presse qui ont signé (pour si peu) avec OpenAI portent une responsabilité immense pour l’avenir de la presse écrite.
5ème enseignement : partout à travers la planète, c’est bien le média le plus puissant de chaque pays qui intéresse OpenAI.
The winner takes all !
…. à la fin, c’est OpenAI qui gagne….